Un film sur la migration au Maroc réalisé par des étudiants lyonnais

Les voyages forment l’esprit, dit-on. Alexis D. , 22 ans à peine, a eu la chance d’en faire l’expérience. Entre 2016 et 2017, l’étudiant en sciences politiques s’est rendu par deux fois au Maroc, où il a enquêté sur les migrations sub-sahariennes.

Profitant d’une année de césure dans son cursus à Sciences Po Lyon, Alexis participe à l’échange « Radio Méditerranée » : l’occasion de découvrir le Maroc et son rapport à la migration. Mais Alexis reste sur sa faim, alors, grâce à l’argent qu’il a mis de côté, il part pour Tanger l’été suivant avec son propre matériel.

Bientôt, il est rejoint par deux autres jeunes : Violette Grange, étudiante en cinéma, et Hippolyte, un ami d’enfance impliqué dans plusieurs causes humanitaires. Le fruit de leur travail : quatorze vidéos thématiques visibles gratuitement sur YouTube. Un film, monté à partir des vidéos, est diffusé à partir d’aujourd’hui sur la plateforme Vimeo.

Dépasser les images chocs

Passé par le Journal International, média web indépendant, Alexis n’ignorait pas que la migration était un sujet sensible au Moyen-Orient comme en Europe. « Comme tout le monde », il avait en tête « les images fortes, ces migrants qui escaladent les grillages » séparant le Maroc des enclaves Espagnoles. Mais le temps passé sur place a aiguisé son regard. Il admet lui-même être « tombé des nues » en échangeant avec des migrants venus du nord du Sahara.

Pourtant, la démarche évite le sensationnalisme facile, et c’est heureux. « L’idée était de dépasser les images chocs et montrer ce qu’il y a autour », explique Alexis qui défend « l’engagement » de sa démarche tout en choisissant chacun de ses mots.

Car le propos se veut nuancé, loin de la leçon de morale ou de l’accusation sentencieuse : « Je n’ai pas voulu stigmatiser le Maroc, même si il y a des manques réels (de la politique migratoire, ndlr) », précise-t-il, après avoir mentionné les nombreuses insultes qu’il a reçues de la part de ressortissants marocains. « J’ai voulu apporter des solutions, ne pas juste donner envie de déprimer à la fin. »

Patience et longueur de temps

Alexis a donc choisi de « rester calme » afin d’éviter les écueils propre à ce genre d’aventure : croire le tout-venant sans croiser les sources, sombrer dans l’accusation facile, jouer les procureurs…

Parti en reporter, le jeune homme s’est révélé bon documentariste. « Au tout début je pensais vraiment faire du reportage. J’avais des infos sur des pratiques illégales », confie-t-il. « Mais le deuxième voyage m’a calmé. J’ai vu des pratiques à la limite du légal, mais tout n’était pas aussi noir que je le pensais. »

Si Alexis parvient à mettre de la distance entre lui et son sujet, c’est parce qu’il ne travaille pas seul. L’œil de la co-réalisatrice, Violette Grange, plus sensible à la technique a permis à Alexis de nouer un lien avec les témoins, dont la parole est omniprésente dans le film, sans se soucier de la logistique.

Et puis, il pouvait compter sur l’ami d’enfance, Hippolyte, dont « l’éthique » a été salutaire. « Il était là pour poser les limites » explique Alexis, qui a appris à lâcher la caméra pour recueillir une parole rare : celle des migrants eux-mêmes.

Sortir de l’ethnocentrisme

Là encore, plusieurs regards se sont croisés pour construire un film cohérent et nuancé. « J’ai accordé une attention particulière aux rumeurs », précise Alexis. Pour démêler le vrai du faux, il a fait appel à des acteurs de terrain, surtout des associations oeuvrant sur place.

Prudent, le jeune réalisateur a joué le jeu des diverses autorités mêlées au circuit de la migration. « J’ai souvent contacté les ambassades et même la Commission Européenne pour avoir des précisions. » Sans succès.

Dommage, car même s’il s’en défend parfois, le travail d’Alexis est destiné aux Européens avant tout. Le Maroc, ce n’est pas son combat : « Qu’un Européen vienne donner des leçons peut être mal vécu. Je laisse ce travail aux organisations de terrain là-bas. » Cet éternel optimiste le dit à demi-mots : il espère que son film suscitera des débats, ici, en France à l’occasion de projections spéciales, à Lyon. À suivre.

A lire également dans cette rubrique

28 mars 2024

La Biennale des musiques exploratoires. Mi-instruments mi-machines

Il n’y a pas que la Biennale d’art contemporain dans la vie. Tout au long du mois de mars, le centre de création musicale lyonnais Grame a déployé à travers la ville une jolie programmation de concerts, conférences et autres spectacles visant à emmener son public vers d’autres horizons. Pour le dernier week-end, on se rue sur…